Lors de la 15ème édition du Festival de la Fiction TV de La Rochelle, nous sommes allés à la rencontre de Fabrice MARUCA, le créateur, scénariste et réalisateur de la série La Minute Vieille (Arte) juste avant qu’il ne reçoive des mains du jury le Prix du Meilleur Programme Court. Retour sur son parcours et sur une série « osée » dont la saison 2 est actuellement programmée sur Arte du lundi au vendredi à 19h40 depuis le 7 juillet.
FrenchCineTV : Fabrice Maruca, bonjour. D’où vient votre envie de devenir réalisateur ?
Fabrice MARUCA : La première expérience de raconter des histoires, c’est venu en CM1. C’est l’instituteur qui nous obligeait à écrire des pièces de théâtre pour des marionnettes. On a fabriqué des marionnettes avec lui et on devait écrire une petite pièce de théâtre par semaine de 3/4 minutes. Et c’est là que j’ai commencé, d’abord à écrire des pièces de théâtre pour mes marionnettes, après j’ai fait de la BD, j’ai écris des nouvelles et j’en suis venu à écrire des scénarios et à réaliser des courts-métrages. Ca s’est fait naturellement.
Que ce soit sur des courts-métrages comme Surprise ! ou sur votre série La minute vieille, vous êtes également scénariste. Est-ce que vous pourriez envisager de réaliser un film ou une série que vous n’auriez pas écrit ?
C’est une bonne question parce que ca n’est jamais arrivé. Pour l’instant, tout ce que j’ai lu et qu’on m’a proposé, ça ne m’a pas plu. Je ne sais pas si je pourrais réaliser une série que je n’ai pas écrite. J’aime bien tout maîtriser. On commence à raconter l’histoire dès l’écriture, au tournage, au montage. C’est un ensemble. Et je ne sais pas si je pourrais me contenter juste de la réalisation. Sans doute que oui, mais j’aimerais y amener une patte personnelle.
La Minute Vieille par fabricemaruca
A la base, La minute vieille est un très court-métrage. Vous aviez déjà l’idée de le décliner sous la forme d’une série ?
Non, je n’avais pas l’idée de décliner La minute vieille en série. A la base, c’est un court-métrage de 2 minutes qui a été tourné en 2008 et qui a fait le tour des festivals en 2009. Et chaque fois que ça passait quelque part, les gens me demandaient s’il y en avait d’autres. C’est là que m’est venu l’idée de faire une série. Comme j’ai bossé sur à peu près toutes les séries courtes qui existent (j’ai commencé sur Un gars, une fille jusqu’à Scènes de ménages en scénario), je connaissais bien le milieu des programmes courts et j’ai pu proposer à un producteur (ndlr : Laurent CECCALDI de Bakéa Productions) avec qui j’avais déjà travaillé en tant que scénariste.
Pour ceux qui ne connaissent pas cette série, est-ce que vous pouvez nous présenter le concept en quelques mots ?
La minute vieille, en fait c’est des vieilles dames qui racontent des blagues salaces. Je voulais marquer l’opposition entre ce qu’elles racontent et ce qu’elles sont. Parce que les vieilles dames ça représente des dames prudes, sages, qui disent pas de gros mots et je trouvais que ça faisait un décalage entre ce qu’elles racontent et qui elles sont.
Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Je l’espérais. C’est quand même un beau succès. J’espérais mais je ne m’attendais à rien. Je savais pas trop en fait.
Quelques mots sur la saison 2 ?
On a tourné la saison 2 en deux fois. La première partie a été tournée en janvier (ndlr : 2013) et a été diffusée en juillet-août 2013. La caractéristique, c’est qu’on a ajouté des hommes. C’est les maris des vieilles dames en fait pour 3 épisodes. La deuxième partie de la saison 2 a été tourné en juin et passera l’année prochaine*, en 2014. Et il y avait des épisodes avec des célébrités. Donc on a eu Bernadette LAFONT, Anémone et Judith MAGRE. Et c’est le dernier rôle de Bernadette avant qu’elle parte.
Ma préférence à moi – La Minute Vieille – ARTE par arte
Est-ce que vous pensez que ce genre de programmes ne pouvait voir le jour que sur une chaîne comme Arte ?
C’est vrai que c’est difficile d’aller sur une chaîne comme TF1 ou M6 avec ce genre de programmes car, sur ces chaînes là, c’est des programmes plutôt mainstream, qui englobent toute la famille et qui sont vraiment trop sages. Il n’y a pas de gros mots, de situations graveleuses. Ca aurait pu aller sur Canal + je pense. Ca a failli aller sur Canal + à un moment, mais finalement ça ne l’a pas fait et Arte est arrivé à ce moment là.
On voit que Arte aime bien surprendre, prendre des risques. Aujourd’hui, c’est quand même très rare à la télévision…
Oui, totalement. Arte, c’est vraiment, en y réfléchissant, la meilleure chaîne pour cette série. Parce que c’est là où on ne l’attend pas du tout. Et comme je voulais créer un décalage entre ce que les dames racontent et qui elles sont, il y a encore un plus grand décalage que ça se passe sur Arte.
Nous sommes au Festival de la Fiction TV de La Rochelle. On sent que depuis des années le discours est le même sur la frilosité des diffuseurs, le manque d’audace. Quel regard portez-vous là-dessus ?
Je trouve que ça change. Il y a des choses différentes que ce qu’on pouvait trouver avant. Je n’ai pas d’exemple en tête mais je trouve que les séries françaises ont plus d’audace maintenant. Ne serait-ce que sur Canal +. Moi, j’ai adoré Les Revenants. Les séries de Canal, je suis fan d’Engrenages, de Braquo. C’est des séries qu’on faisait pas en France avant. Il y a du fantastique qui commence à arriver un petit peu, il y a de l’espionnage. Je trouve que ça bouge.
On sent quand même que le genre policier reste prédominant. On le voit sur ce festival où il s’agit du genre le plus présent dans la compétition. Les autres genres ne sont pas encore très diversifiés comparés à des pays comme la Scandinavie qui fait des séries politique, d’anticipation, etc.
Le policier est très présent, vous avez raison. Je pense que c’est ce que les gens aiment aussi. J’adorerai faire une série comme Breaking Bad en France. Breaking Bad, c’est du policier sans l’être vraiment. Je pense que l’anticipation, le fantastique arrive tout doucement en France. Je pense qu’en France, on a du mal à changer radicalement les choses. Il faut que ça se fasse progressivement. J’ai bon espoir que ça change. Je connais pleins de scénaristes de mon âge, des producteurs qui veulent vraiment faire changer les choses et je pense qu’ils vont y arriver.
Vous avez travaillé également sur des clips pour des artistes comme Anaïs ou Amel Bent. Est-ce une approche différente ?
Oui, un clip pour une chanteuse ou un chanteur, c’est un film de commande. C’est pour servir le chanteur. Donc, l’idée, en fait, c’est de plaire au chanteur. C’est lui qui décide de tout. On est là pour lui, ce n’est pas une œuvre personnelle. C’est une œuvre de commande même si j’essaie d’y mettre des choses à moi.
Interview : Nicolas SVETCHINE & Anne-Sophie GIRAUD
* Diffusion de la seconde partie de la saison 2 actuellement sur Arte, depuis le 7 juillet 2014, du lundi au vendredi à 19h40 et sur Arte.tv
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