Par Brice
Qu’il s’agisse de morts revenus à la vie ou de personnes contaminées par un virus, les zombies sont un véritable phénomène au cinéma depuis bien longtemps. Apparu pour la première fois dans The white zombie en 1932, ils sont popularisés par la saga de Georges A. ROMERO. Les films de zombies sont alors devenus un genre à part entière avec leurs propres codes, ils se sont peu à peu émancipés du seul genre de l’horreur et touchent dorénavant aussi bien à l’action qu’à la comédie. Cet engouement pour les zombies perdure aujourd’hui comme l’atteste les succès de The Walking Dead sur AMC ou de Warm Bodies de Jonathan LEVINE sorti il y a quelques mois. Et alors que le blockbuster américain World War Z de Marc FORSTER avec Brad PITT fait un véritable carton au box-office, qu’en est-il des films de zombies côté français ?
On en compte une douzaine dont la qualité laisse parfois à désirer. Même si on est loin de la quantité et de la qualité du cinéma américain (plusieurs centaines dont quelques classiques du genre) ces films ont au moins le mérite d’exister et de prouver que le cinéma de genre français existe bel et bien.
Le tout premier film est Les raisins de la mort en 1978 par Jean ROLLIN. Voulant surfer sur le succès de La nuit des morts-vivants de George A. ROMERO, Jean ROLLIN s’en inspire largement tout en l’adaptant à la sauce bien franchouillarde puisque l’intrigue se déroule en pleine campagne dans une région viticole et l’origine de la zombification est un pesticide qui contamine le raisin et donc le vin. Malgré le mauvais jeu d’acteurs et des effets spéciaux ratés, ce premier film de zombies français demeurera pendant un certain temps le moins mauvais de tous, grâce notamment à des décors naturels très bien choisis et une ambiance soignée. Le film connait un petit succès qui relance la carrière de Jean ROLLIN et donne des idées à des producteurs qui flairent le bon filon.
C’est le cas de la société de production française Eurociné qui décide de faire dans le zombie au début des années 80. Ces spécialistes des séries Z sans moyen ni talent, produisent deux films très similaires. Tout d’abord, Le lac des morts-vivants réalisé en 1981 par Jean ROLLIN. Ce dernier remplace au pied levé Jess FRANCO qui abandonne le projet suite à des désaccords avec la production, désaccords néanmoins passagers puisqu’il réalisera un an plus tard L’Abîme des morts vivants en 1982. Si l’histoire du premier se déroule au fin fond de la campagne française autour d’un lac maudit, celle du deuxième prend place quant à elle près d’une oasis maudite en Afrique du Nord. Passé cette différence, les deux films partagent de nombreux points communs : des nazis morts-vivants pas crédible du tout, des effets spéciaux particulièrement ridicules, des musiques et des effets sonores insupportables, des faux raccords à la pelle, des stock-shot bouche trou, des dialogues idiots, et un «jeu» d’ «acteur» d’un amateurisme incroyable. Considérés comme les plus mauvais films de zombies, et comme les pires films français, ils ont acquis une certaine notoriété et sont considérés comme des nanars cultes. Pris au dixième degré ce sont en effet d’excellents films où l’on rigole beaucoup du n’importe quoi général qui règne tout au long.
Persuadé d’avoir produit d’excellents films d’horreur, Eurociné persévère une dernière fois en proposant à Jean ROLLIN de tourner des scènes supplémentaires de zombies à un ancien film de Jess Franco sorti 10 ans auparavant. Il s’agit du film Christina, princesse de l’érotisme qui devient alors Une vierge chez les morts-vivants, avec pour scénario une jeune femme du nom de Christina qui, après la mort de son père, se rend au château de Montesserat auprès de son étrange famille. Ces ajouts, censés rajeunir le film et permettre une nouvelle exploitation, le rendent en réalité encore plus incohérent qu’il ne l’est déjà. C’est pourtant ces scènes qui sont ce qu’il y a de plus regardable, le reste du film cumulant tous les défauts possibles. Le pire étant sans doute la réalisation affligeante de Franco, avec une mention spéciale pour les zooms à répétition aussi inutiles qu’insupportables. Contrairement aux deux sympathiques nanars précédents, Une vierge chez les morts vivants n’est qu’un très mauvais navet.
Jean ROLLIN réalise un troisième film de zombies en 1982 avec La morte vivante, dans lequel des déchets toxiques font revenir à la vie Catherine Valmont, une riche héritière. La morte vivante est beaucoup plus en accord avec le style propre de ROLLIN, à savoir un film très lent mélangeant fantastique et poésie et très influencé par l’érotico-gore. Si les effets spéciaux sont tout aussi médiocres que les films précédents, les amateurs de gore ont quand même le droit cette fois à une profusion d’hémoglobine, là où les autres ne s’arrêtaient qu’à de simples filets de ketchup. Tout comme pour Les raisins de la mort, c’est l’ambiance assez poétique se dégageant du film qui limite les dégâts.
Deux autres tentatives particulièrement nanardesques ont eu lieu quelques années plus tard. Tout d’abord, en 1987, avec La revanche des mortes vivantes de Pierre B. REINHARD. Encore une histoire de déchets toxiques, sauf que cette fois ce n’est que le lait qui est contaminé. Comme souvent dans le cinéma bis de l’époque, un moyen efficace et vraiment pas cher pour maintenir un semblant d’intérêt pour les spectateurs, consiste à multiplier les scènes de nudités, souvent de manière totalement gratuite. C’est particulièrement le cas dans La revanche des mortes vivantes. Mais au-delà de cet aspect, ce qui est le plus marquant dans ce film est qu’il n’ait absolument aucun sens du début à la fin, encore plus à la fin d’ailleurs. On peut se demander si un tel degré d’incohérence ne relèverait pas du génie incompris.
Du même calibre en 1992, Trepanator de Norbert MOUTIER s’inspire ouvertement du très culte Re-Animator de Stuart GORDON ou l’on peut d’ailleurs relever plusieurs clins d’œil (la scène du chat, Herbert West qui devient Herbert East, etc.). Il reprend grosso modo la même histoire de savant fou menant des expériences pour ramener les morts à la vie. Jean ROLLIN, décidemment prêt à donner un coup de main à tout le monde y jouera un des rôles principaux. En dehors de l’affiche particulièrement immonde (même Eurociné arrivait à faire des affiches potables), ce qui saute le plus aux yeux dans Trepanator, c’est la misère des décors qui frise le pathétique, dans le cas, improbable bien sûr, où on le prendrait au premier degré. Faire passer Paris pour New-York passe encore, mais faire passer un garage crasseux pour un plateau de télévision d’une grande chaîne et par la suite pour des gradins d’un stade…c’est plus qu’osé. On peut au moins reconnaître ça au film, il ne manque pas d’une certaine audace.
Bien sûr les responsables de toutes ces séries B et séries Z sont parfaitement conscients de la médiocrité de leurs films qu’ils ont faits souvent pour des raisons purement alimentaires, dans des conditions souvent difficiles et avec des budgets ultra limités.
A partir des années 2000, on assiste à l’arrivée de productions plus originales et de bien meilleure qualité. C’est le cas en 2004 du film Les Revenants de Robin CAMPILLO qui propose une approche très originale des zombies. Le film traite de façon très technique, pratique, presque scientifique du retour à la vie des morts. Qui sont-ils, comment se comportent-ils et surtout comment les intégrer à la société ? Voilà les questions que pose le film. Critique sociale fantastique pour les uns, réflexion métaphorique sur le deuil pour les autres, peu importe les interprétations. Il s’agit d’un film au scénario original et intelligent, ce qui est rare pour ce genre. Si Les Revenants est très lent, il est aussi très esthétique. La seule déception est peut-être la fin un peu bâclée. L’adaptation en série télé en 2012 par Fabrice GOBERT aura beaucoup plus de succès auprès du grand public.
Les films français intègrent à leur tour les nouveaux codes du renouveau des zombies, ils sont plus rapides et plus agressifs. Ces nouveaux codes sont notamment instaurés par 28 jours plus tard de Danny BOYLE, dont Mutants de David MORLEY s’inspire largement. Sorti en 2009, il relate l’histoire d’un couple qui se réfugie dans un ancien hôpital pour fuir un virus qui a contaminé la population. Mutants est un film en demi-teinte, visuellement très réussi avec une très belle photo, un maquillage excellent et une ambiance prenante. Il a en revanche de gros problèmes de rythmes, un jeu d’acteur très inégal et des scènes d’actions totalement illisibles. Il est loin d’être entièrement raté mais compte tenu du petit budget, il manque cruellement d’originalité.
L’autre caractéristique de ce renouveau est l’apparition d’un sous-sous-genre, celui de la comédie horrifique de zombies. Bien sûr des films comme Braindead existait déjà, et le second degré a souvent fait partie intégrante des films de zombies mais il n’empêche que c’est surtout depuis Shaun of the Dead de Edgar WRIGHT en 2004 qu’on peut parler d’une véritable tendance à la comédie. C’est le cas de Villemolle 81 de Vincent PARONNAUD en 2009, dans lequel une comète s’écrase dans la ville de Villemolle transformant toutes les personnes qui s’en approchent en zombies. Il s’agit d’une sorte d’énorme délire mélangeant humour à la Monty Python et surtout à la Groland, puisqu’en effet toute la première partie du film s’intéresse à Villemolle et à ses habitants plus loufoques les uns que les autres, les zombies n’apparaissant que dans une deuxième partie. Le style volontairement très amateur et l’humour parfois très lourd ne plairont pas à tout le monde.
Un an plus tard sort La Horde de Yannick DAHAN, avec pour scénario des policiers et des gangsters bloqués ensemble dans une tour de cité et entourés par une horde de zombies. Ce film a suscité beaucoup d’attente parmi les fans du genre qui le voyait comme le premier vrai film de zombie français. De fait, c’est surement le film français du genre le plus connu du grand public. L’action commence dès les premières minutes et, à part une ou deux scènes inutiles qui ralentissent le rythme, il n’y a pas de temps morts. Par certains aspects, La Horde fait penser à un jeu vidéo, avec son scénario très cliché, une succession d’incohérences mais aussi du fun non-stop et aucunes prises de tête. Avec Les Revenants (qui reste un peu à part), c’est sans doute le meilleur film français de zombies qui, malgré son petit budget, tient la comparaison avec de très bons films US.
Le dernier à être sortie est La Meute de Franck Richard, à la fin de l’année 2010. L’histoire se déroule dans une région minière du nord dans laquelle les propriétaires d’un restaurant donnent les voyageurs de passage à manger à une meute de zombies (plus précisément de goules). Toute la première partie du film qui plante le décor de cette sinistre région est plutôt convaincante, la photographie est très réussie, l’ambiance qui en ressort est bien glauque. Les personnages sont certes caricaturaux mais pas désagréables, puisque c’est une sorte d’hommage à tous les films d’horreur américain et leurs rednecks dégénérés. Malheureusement, tout se gâte ensuite avec l’arrivée des zombies. Si le design des goules semble plutôt réussi sur photo, une fois en actions ils deviennent parfaitement ridicules. Mais c’est surtout la mise en scène qui devient très brouillon et qui donne une impression de fin totalement bâclée. Tout comme pour Mutants, le potentiel de La Meute demeure au final très mal exploité.
Ces dernières années, en parallèle du circuit professionnel, grâce à la technique qui est devenue beaucoup plus accessible mais aussi avec la mode de la culture geek sur internet, on assiste à l’apparition de nombreuses créations totalement indépendantes mais aussi complètement fauchés.
Deux d’entre elles ont tout de même bénéficié d’une sortie DVD : Dead line de David ABOUCAYA en 2012 et Eject de Jean-Marc VINCENT en 2013. Le scénario du premier est ultra classique, celui d’un petit groupe qui tente de survivre face à la menace d’un virus qui transforme les gens en morts-vivants. Le deuxième est une parodie de [Rec] qui se déroule dans une maison close. Le manque d’originalité de ces films n’est pas un défaut en soit, on a plus ou moins à faire ici à des fan-films de passionnés qui rendent hommage au genre. Les budgets ne dépassant pas les quelques milliers d’euros, il faut donc être indulgent. D’ailleurs, les maquillages sont tout à fait convenables pour ce budget (on a vu bien pire). Mais, malgré de respectables efforts en termes d’action ou d’humour, le plus gros problème reste les dialogues et le non-jeu des non-acteurs qui rendent ces films difficilement regardables pour tous les spectateurs étrangers aux projets.
Enfin pour les films à venir on peut citer Goal of the Dead qui devrait sortir en novembre de cette année. Actuellement en postproduction, il s’agit d’une comédie horrifique coréalisé par Thierry POIRAUD et Benjamin ROCHER (qui a déjà coréalisé La Horde) dans laquelle une épidémie contamine spectateurs et joueurs en plein match de foot. A la manière de La Horde, Goal of the Dead a misé sur un financement en partie via internet et sur la participation bénévole de nombreux figurants. Rendez-vous en novembre pour voir ce qu’il en est.
Un dossier complet et clair sur les zombies.