[Dossier] Les sagas d’été : retour sur un genre disparu (2/3)

Par Nicolas SVETCHINE

Après avoir réalisé une analyse thématique et un bref historique des grandes sagas d’été, nous vous proposons pour la deuxième partie de notre dossier un décryptage de deux sagas estivales particulièrement réussies : Tramontane et L’Eté Rouge, diffusées respectivement en 1999 et 2002.

L’Eté Rouge, un polar au sommet !

La riche héritière Hélène de Graf est retrouvée morte, assassinée. Son amant, Thomas, est le coupable idéal. Accusé, jugé et emprisonné, il ressort treize ans après. A sa sortie de prison, Thomas n’a qu’une seule idée en tête : trouver le véritable meurtrier de celle qu’il aimait…

Imaginée par Dominique Lancelot Alexis Lecaye et réalisée par Gérard Marx, L’Eté Rouge est certainement l’une des sagas d’été les plus réussies. Grâce à une énigme policière passionnante, un casting épatant et des paysages de montagne grandioses, cette saga se démarque par sa qualité et son originalité.

Un tournant dans l’histoire des sagas

Première saga de l’été à avoir inauguré avec brio le registre du polar, L’Eté Rouge a marqué les esprits et a fédéré presque 10 millions de téléspectateurs pour la diffusion du dernier épisode. Suspens, rebondissements multiples et coups de théâtre sont au rendez-vous tout au long des 5 épisodes.
Coté décors, exit les paysages du sud de la France. L’intrigue se passe cette fois-ci dans les Alpes, permettant d’apporter une pointe d’originalité bienvenue.
Enfin, la traditionnelle héroïne laisse place à un premier rôle masculin (Thomas Croze incarné par Georges Corraface).

Secrets de fabrication

Il y a quelques années, à l’occasion d’une édition du Festival Scénaristes en Séries à Aix-les-bains, nous avons rencontré Dominique Lancelot, co-scénariste de la saga, qui nous livre quelques secrets de fabrication. 

FrenchCineTV Comment est né le projet de l’Été Rouge?
Dominique Lancelot : Il s’agissait à l’origine d’une commande de TF1 pour tenter de faire un feuilleton polar sans forcément faire un feuilleton d’été. Nous avons cependant décidé d’installer cette histoire dans un cadre spectaculaire avec de beaux paysages de montagne tout en ajoutant un peu de romanesque entre les personnages et la chaîne en a conclu que ça pourrait être une saga d’été.

Un tournage particulièrement physique en haute montagne

Outre une intrigue policière passionnante – confirmant ainsi le talent de nos scénaristes français dans le domaine du polar – les décors de haute montagne sont à couper le souffle et donnent de la force aux images.
La scénariste Dominique Lancelot évoque les raisons du choix de situer l’intrigue en montagne : « Le mariage entre la montagne et une ville au bord d’un lac, l’atmosphère de villégiature, le sentiment de la frontière proche nous ont paru un cadre idéal. Au bord d’un lac, il existe des casinos, ce qui entraîne des conflits d’intérets financiers, des passions violentes. Cet univers offre aussi des possibilités d’images superbes, de situations et d’opposition dramatiques fortes. Les habitants du bord du lac appartiennent au monde de l’argent, des jeux de pouvoir ; ceux de la montagne sont proches de la nature, plus physiques, plus sportifs. »

Georges Corraface : « Entre chaque prise, je perdais connaissance lors du tournage en haute montagne, à plus de 3000 mètres d’altitude »

Georges Corraface, un habitué des sagas d’été (il participa au Château des Oliviers sur France 2 en 1993 et à Tramontane en 1999 sur TF1), rempile ici pour sa 3ème saga estivale, avec cette fois-ci le rôle principal. Effectuant lui-même les cascades de son personnage (Thomas Croze), dans des conditions parfois difficiles (des scènes ont été tournées sur des glaciers à 3700 mètres d’altitude !), Georges Corraface se souvient de ce tournage particulièrement éprouvant : « En haute-montagne, je devais courir sur la neige d’un glacier, me balancer dans le vide et rouler. J’arrivais en bas hors-caméra, je disparaissais du champ et j’étais K.O, évanoui. Il me fallait un certain temps pour reprendre mes esprits et remonter faire la deuxième prise, la troisième prise, etc. Mais, entre chaque prise, je perdais connaissance. D’un moment à l’autre, nous arrivions en hélicoptère à plus de 3000 mètres d’altitude donc nous n’étions pas vraiment acclimatés et le manque d’oxygène se faisait sentir ».

Photo de tournage inédite avec de g. à d. : Gérard Marx (le réalisateur), Guy Marchand (Capitaine Le Brec) et Thomas Jouannet (David Brenner) sur les rives du lac du Bourget, près d'Aix-les-bains

Le saviez-vous ?

Si cette saga est censée se dérouler en été, le tournage a en réalité eu lieu d’octobre 2001 à février 2002, avec des températures particulièrement fraîches comme en témoigne la photo de tournage ci-dessus.
Les prises de vues auraient du débuter plus tôt mais l’écriture a été plus longue que prévue puisque qu’il était question dans un premier temps de faire quatre épisodes avant que TF1 n’en commande un cinquième. « Les quatre scénarios étaient un peu trop long alors la chaîne a décidé de nous commander un 5ème épisode, estimant qu’il valait mieux rajouter des séquences plutôt que d’en enlever. On en a alors profité pour réécrire la fin et lui donner un peu plus d’ampleur » nous confie Dominique Lancelot, co-scénariste de la saga.

FrenchCineTV vous propose de découvrir en vidéo les témoignages d’Alexis Lecaye et Gérard Marx, respectivement co-auteur et réalisateur de L’Eté Rouge, qui reviennent sur l’écriture et le tournage de cette saga. (Interviews réalisées en octobre 2009 à l’occasion du Festival Scénaristes en Séries à Aix-les-bains).


L’Eté Rouge : Alexis Lecaye et Gérard Marx… par SvetProd

L’Eté Rouge restera ainsi une saga innovante, qui a su brillamment renouveler le genre avec un ton novateur tout en conservant les principaux ingrédients des sagas d’été.

Tramontane : mystères et rivalités au Pays cathare !

Après quinze ans passés en Afrique, Angèle revient dans sa région natale, le Pays Cathare, en compagnie de son fils métis, Jérémie. Son père José, dont le domaine viticole est au bord de la faillite, voit dans le retour de sa fille préférée, Angèle, un espoir d’avenir pour le domaine. Mais son retour au village va déchaîner les passions, réveiller des haines enfouies et Irène, la sœur aînée, va s’opposer à Angèle, la plus aventurière des Estrella.

Ecrite par Georges Desmouceaux, Yvan Lopez et Olivier Szulzynger, et réalisée par Henri Helman, Tramontane mêle habilement les codes et ingrédients classiques des sagas (la demeure familiale, le terroir, les conflits familiaux, les rivalités, …) tout en y apportant quelques touches de modernité avec notamment un peu de fantastique (de mystérieuses vibrations dans les souterrains d’un château) et s’oriente vers le mystique des légendes. Lors de sa diffusion en été 1999, de nombreux téléspectateurs vont relever certaines ressemblances avec Le Château des Oliviers (un projet immobilier qui met en péril une demeure familiale et une héritière qui se bat pour sauver son patrimoine). Mais l’histoire de Tramontane soulève en réalité un problème de fond : l’écriture des sagas est tellement codifiée que toutes les intrigues se nouent autour des mêmes passages obligés.

On notera l’interprétation remarquable de Philippe Caroit (avec l’un des rôles qui le révélera à la télévision) et d’Alexandra Kazan qui nous livre un jeu d’actrice éblouissant avec Irène : un personnage ambivalent, tourmenté… certainement beaucoup plus humain que le personnage d’Angèle (incarnée par Alexandra Vandernoot), trop lisse, caractéristique des années 90 avec des héros souvent exemptés de défauts à l’image de personnages comme L’Instit. Aujourd’hui, les héros modernes sont beaucoup plus « humains » et plus complexes (avec leurs propres doutes, remises en question, leurs erreurs, leur part d’ombre, …) ce qui favorise mieux l’identification.
La série aborde également des sujets de société comme la drogue (au travers du personnage de Clo) ou l’environnement (conséquences de la pollution, projet de parc naturel, …).
Enfin, on soulignera la sublime partition de Cyril Morin.

Rendez vous dès demain pour découvrir la fin de notre dossier consacré aux sagas avec un focus sur Le Château des OliviersTerre Indigo et Zodiaque.

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