Par Christina MANTELET
« Il était une fois », un riche Marchand (André DUSSOLLIER), qui perdit toute sa fortune, imposant à ses trois filles et ses trois fils de le suivre à la campagne pour cacher la honte de son infortune. Alors qu’il pense pouvoir faire refleurir sa richesse disparue, il retourne en ville en demandant à ses filles ce qu’elles souhaitent recevoir à son retour. Alors que ses deux ainées lui demande des robes et des bijoux, sa plus jeune, Belle (Léa SEYDOUX), nettement moins vénale ne lui demande qu’une chose, une rose. Et c’est pourtant cette demande innocente qui causera la perte de sa famille. Sauvé in extremis du froid par un être étrange et mystérieux, il lui fait l’affront de cueillir une des roses de son jardin. Cet être mystérieux, qui n’est nul autre que la Bête (Vincent CASSEL) le prévient qu’il devra revenir le lendemain, sous peine de voir disparaître sa famille, afin d’être emprisonné pour son sacrilège. Sa jeune fille, accablé par le sort que son père doit subir par sa faute, décide de prendre sa place et de rejoindre la Bête.
Ce résumé du film pourrait convenir au conte de notre enfance que nous pouvions découvrir dans le dessin animé de Walt Disney, tout comme il serait apte à nous rappeler la très célèbre adaptation de Jean COCTEAU avec Jules MARAIS en tête d’affiche. Au vu de la bande-annonce, qui semble nous en montrer beaucoup, mais en réalité pas tant que cela, nous pouvons même aller jusqu’à nous demander si la réalisation aurait pu reprendre le parti pris d’utiliser Vincent Cassel dans le rôle de Gaston ET de la Bête. Mais le film fait mieux que ça et s’éloigne de ces adaptations que l’on connait déjà par cœur depuis notre enfance.
Bien que dès le début, on reste un peu énervé devant cette sensation que Léa SEYDOUX nous fait du par cœur sans vraiment jouer, on finit par apercevoir une réelle interprétation faite de façon légère et pleine d’humour, qui est capable de vous renouer avec la jeune actrice, surtout si vous aviez du mal avec elle jusqu’à maintenant. Pour ce qui est de Vincent CASSEL, en réalité on ne saurait dire lequel de la Bête ou de lui est le plus séduisant, non pas qu’il soit laid, mais tout simplement parce que le travail esthétique sur la Bête est réellement incroyable et magnifique. Ce qui en fait à la fois une petite déception, car même lorsqu’il est dans une fureur noire, la Bête semble si mignonne et douce qu’on voudrait lui faire un câlin pour l’apaiser !
Outre cela, le véritable point fort de ce film, est sans nul doute le travail sur le décor et son esthétique globale, qui le font apparaître un peu comme un O.V.N.I. dans le cinéma français. Il serait bien trop simple de dire que le décor se rapproche d’une esthétique que l’on retrouve facilement dans le cinéma américain. La réalité, c’est que cette esthétique est bien plus que cela. Elle répond, d’un point de vue artistique, à une tradition européenne bien marquée en France, qui est celle d’un art Baroque, parfois même art déco, qui nous permettent réellement de nous transporter non pas dans un film fantastique avec des effets spéciaux d’une très bonne qualité, mais surtout de se retrouver dans un monde de Conte de Fée. Ce n’est pas la première fois que le cinéma français se frotte à la construction d’un film qui se base sur un conte, nous avions déjà eu l’adaptation de Cocteau de La Belle et la Bête, mais nous avions aussi eu Peau d’Âne, avec Catherine DENEUVE, par exemple, qui avaient des esthétiques assez semblables entre elles (au-delà de la couleur et du noir et blanc), mais surtout, nous avions un coté un peu gentillet sur fond de couleurs pâles et pastels avec des effets très visibles, bien que très intéressant pour l’époque. Mais cette nouvelle manière de faire et d’intégrer des effets visuels sans pour autant en mettre en abondance, montre que les moyens dans le cinéma français peuvent permettre l’émergence de ce nouveau type de film.
Au final, tout a de quoi séduire nos sens dans ce film, que ce soit les décors majestueux et chaleureux, les jeux cohérents des acteurs, jusqu’à l’aspect soyeux de la Bête dont le travail est vraiment époustouflant, même si décevant car on n’a pas forcément envie de vouloir tomber sous le charme de la Bête dès que nous la voyons. Certains seront certainement déçu de ne pas voir le personnage de Gaston ou de celui de son acolyte, ou encore de ne pas voir le père comme un savant fou aux théories improbables et farfelues, mais cette nouvelle adaptation est à la fois un véritable souffle d’air frais, car nous n’avons finalement pas l’impression de revoir une millionième fois une histoire que nous connaissons par cœur, et en même temps cela permet de montrer que le cinéma français est capable de sortir de ses habitudes et de ses clichés, qu’il peut s’ouvrir sur une autre sorte d’esthétique que nous désespérions de le voir s’approprier à son tour.
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